BARRAGES NATURELS DUS AUX GLISSEMENTS DE TERRAIN

 

MESURES CONSERVATOIRES

Référence bibliographique : "TUNNEL DRAINS FOR NATURAL DAMS -- A UNIQUE UNDERGROUND TECHNOLOGY APPLICATION"- de R.L. Schuster et J.E. Costa.

Dans cet article, après avoir énuméré les différentes solutions visant à réduire les risques de rupture d'un barrage naturel, les auteurs citent différents cas où la solution du creusement d'un tunnel à été retenue.

Dispositifs destinés à réduire les risques de rupture :

- creusement d'un canal d'évacuation renforcé, soit dans le barrage lui même, soit dans un des versants de vallée attenant à l'ouvrage. Ceci en vue de contrôler le flot  lors d'un éventuel débordement.
- pompage ou siphonnage de l'eau de la retenue. Cette solution n'étant applicable qu'à court terme.
- pour les grands barrages, le percement d'un tunnel, au travers du barrage lui même, ou dans le versant adjacent, s'avère être la méthode la plus efficace.

Cette technique est applicable aux différents types de barrage existants. les cas les mieux documentés étant les suivants :

- Spirit Lake, Washington, U.S.A. :

Le 18 mai 1980, l'éruption du volcan du Mont St Helens crée un glissement de terrain qui obstrue l'affluent principal de la rivière North Fork Toutle, formant un barrage de 45m de haut.

Le lac risquant d'atteindre sa cote de débordement aux environs du mois de mars 1983, l'armée américaine installe d'abord un système de pompage, afin de réduire l'élévation du niveau du lac. Ensuite, un tunnel de 2590m de long et d'un diamètre de 3,4m, est creusé dans un des appuis du barrage.

En 1985, le niveau du Spirit Lake est redescendu à la cote désirée de 1048m.

- Thistle Lake, Utah, U.S.A. :

En avril 1983, le glissement de Thistle, une réactivation d'un ancien phénomène préhistorique, forme un barrage naturel, haut de 63m, sur la rivière Spanish Fork. Juste après l'événement, les officiels décident de drainer le lac pour prévenir toute rupture du barrage; d'abord à l'aide d'un tunnel d'évacuation temporaire de 2,4 x 3m, et ensuite, par un tunnel permanent, de 670m de long et de 4,25m de diamètre, creusé dans la montagne adjacente; et par le percement d'un puits vertical de 5 à 6m de diamètre, depuis le niveau du lac, jusqu'à l'extrémité amont du tunnel.

La vidange du lac s'achève en septembre 1983. - Le barrage naturel de Zavoj, Yougoslavie :

Du 23 au 27 février 1963, un glissement, de 4 millions de m3 de matériaux, barre la rivière Visochitza. Le barrage de 35m de haut, et de 500m de large, engendre la formation d'un lac d'un volume de 30 millions de m3. Si les débits de remplissage importants nécessitent le creusement d'un canal provisoire d'évacuation, un tunnel de 600m de long et de 2,5m de diamètre, est ensuite réalisé dans le flanc gauche de la vallée.

- Le lac de Val Pola, Italie :

Le 28 juillet 1987, 35 millions de m3 s'effondrent du versant nord-est du mont Zandila, créant un barrage sur la rivière Adda (Large de 2.5km et haut de 33m). La montée des eaux submerge le village de San Antonio Morigone.

Les estimations laissant présager une rupture du barrage, consécutive à un phénomène de débordement, un canal d'évacuation d'eau est créé, en août 1987, et trois stations de pompage installées en octobre 1987. Simultanément, les travaux sont entrepris pour la construction de 2 tunnels de déviation, d'un diamètre de 6 et 4,2m et de 3.5km de long, dans le bedrock de la berge gauche.

Il est à noter que, dans le même bassin de Valtellina, on a envisagé la réalisation d'un tunnel à titre préventif. En effet, une masse de colluvions de 20 à 25 millions m3 glisse doucement sur l'un des versants de la vallée de la rivière Mallero. Les scientifiques et ingénieurs Italiens ont prévu que, suite à des précipitations, le glissement pourrait s'accélérer et venir barrer le cours d'eau. Les précautions envisagées sont de percer un tunnel, au travers de la berge située en face de la masse instable, qui pourrait servir de dérivation pour contourner le barrage. La difficulté réside dans le fait que, l'effondrement ne s'étant pas encore produit, un grand nombres de données restent encore inconnues.

Il peut arriver qu'une coulée de lave ou un cône volcanique soit à l'origine de l'embâcle d'un cours d'eau. La retenue d'eau résultante pouvant présenter de sérieuses menaces d'inondation consécutive à sa rupture, on a souvent eu recours à la réalisation d'un tunnel de vidange du lac, afin de prévenir toute catastrophe.

- Volcan Kelut, Indonésie :

Le volcan Kelut a été le théâtre de nombreuses inondations et coulées de boue catastrophiques.

En 1919 déjà, une coulée provenant du lac du cratère ravage 200km2 de terrains agricoles et fait 5000 victimes. C'est pourquoi, de 1923 à 1926, 7 tunnels superposés sont successivement creusés dans la parois du cratère, afin de réduire progressivement le niveau du lac.

Le volume d'eau alors retenu étant relativement faible, l'éruption qui survient en 1951 ne provoque pas de nouvelle coulée de boue, mais détruit les entrées des différents tunnels et approfondit de 70m le cratère.

Par conséquent, en 1954, après réhabilitation du tunnel inférieur, et lorsque la surface du lac a atteint le niveau de ce dernier, 40 millions de m3 restent encore retenus dans la cuvette. Le percement d'un nouveau tunnel est alors entrepris, à un niveau inférieur, mais sont creusement sera interrompu à proximité du lac, dans l'espoir de voir l'infiltration assurer la vidange du lac. Cependant, les matériaux n'étant que peu perméables, cette tentative échoue. Lorsqu'en 1966, une nouvelle éruption survient, une coulée de boue inonde et détruit une large zone agricole, tuant plusieurs centaines de personnes.

Suite à ce désastre, un nouveau tunnel est construit, en 1967, à un niveau encore plus bas, réduisant le volume d'eau contenu dans le cratère à des proportions peu menaçantes.

- Lac Nyos, Cameroun :

Les 208m de profondeur de ce lac sont bordés, sur les 40m supérieur, d'un barrage naturel, formé par un cratère résultant d'une éruption survenue il y a 400 ans.

Un canal naturel traversant la crête du barrage est actuellement le seul exutoire pour l'eau de la retenue.

Le barrage, de 50m de large, composé de dépôts pyroclastiques peu consolidés, présentant un degré d'érosion alarmant, les risques d'une rupture éventuelle ne peuvent être négligés. D'autant qu'elle provoquerait une inondation catastrophique, jusqu'à 108km à l'aval de la retenue

Une des solutions préconisées en vue du drainage du lac, serait la réalisation d'un tunnel dans le granit situé sous la masse pyroclastique, éliminant de cette manière tous les problème inhérent au percement de roches meubles.

Ce type de barrage est très souvent constitué de mélanges de faible cohésion de silt, de sable, blocs et fragments, qui sont très susceptibles d'être érodés.

La mesure la plus courante, en vue d'empêcher la rupture de la moraine, est la construction, au travers de celle-ci, d'un canal d'évacuation résistant à l'érosion. Dans certains cas cependant, le choix d'une vidange du lac à l'aide d'un tunnel s'est imposé.

- Lac Safuna Alta, Cordillière Blanche :

Ce lac d'un volume de 4,9 millions de m3 et de 80m de profondeur, était considéré comme l'un des plus menaçant de la Cordillière Blanche.

En 1968 et 1969, un tunnel fut creusé au travers de la moraine, 0,8m au-dessus de la surface du lac, les matériaux meubles, constituant le barrage, étant stabilisés au moyen d'armatures métalliques et de renforts en béton.

Les travaux de percement d'un tunnel sous le niveau d'eau auraient imposé l'abaissement préalable de celui-ci par pompage, ce qui, économiquement parlant, n'était pas réalisable.

Quand, en 1970, un tremblement de terre d'une magnitude de 7,8 ébranla la Cordillière Blanche, causant d'énormes dégâts, et tuant 70000 personnes, le tunnel d'évacuation fut gravement endommagé. Des fissures se développèrent dans la moraine, induisant la vidange naturelle de 38m d'eau par infiltration au travers du massif.

Ceci permit au gouvernement péruvien d'éliminer tout risque, par la construction d'un nouveau tunnel de 152m de long.

- Lac Paron, Cordillière Blanche :

D'un volume de 75 millions de m3, ce lac représente une menace pour la ville de Caraz, située en aval.

En 1952, TRASK établit que la seule solution pour abaisser le niveau du lac, est de creuser un tunnel de vidange d'1 km de long, au travers de la butée droite du barrage (matériaux granodioritiques).

Dans le courant de 1970, alors que le percement touche à sa fin, le tremblement de terre, déjà évoqué plus haut, détourna l'attention des autorités, et la fin des travaux fut postposée. En 1977, ils n'avaient toujours pas repris, et la situation actuelle n'est pas connue des auteurs.

La construction de tunnels afin de vidanger un lac engendré par un barrage naturel, ou de stabiliser son niveau, a souvent été choisie, et couronnée de succès.

Il est cependant à noter que chacun de ces ouvrages est en général unique, moins par sa méthode de conception et de construction, que par ses délais et ses conditions de mise en oeuvre, imposés par les caractéristiques du barrage naturel.