2. Talus de déblais dans les roches
Talus de déblais dans un massif rocheux.
Un massif rocheux est parcouru par de nombreuses discontinuités qui sont caractérisées par :
     L'orientation de la discontinuité est définie par deux angles, l'angle de plus grande pente et la direction définie par l’azimut, référence par rapport au Nord magnétique.
     La persistance qui correspond à la continuité dans l'espace des fractures et permet d'avoir une idée du volume de la masse de la roche instable délimitée par la discontinuité.
     L'espacement entre deux discontinuités, mesurée perpendiculairement à celle-ci. Cette valeur et celle de la persistance définissent la taille des blocs.
     Les propriétés de surface des discontinuités influent sur la résistance au cisaillement. Ainsi la dilatance des discontinuités donnera une idée du comportement du massif.
Les inclusions qui peuvent remplir les discontinuités influent sur les propriétés mécaniques et hydrauliques. Par exemple des cémentations peuvent donner une cohésion significative entre les blocs, mais peuvent aussi être facilement détruites lors de tirs de mines.
Une étude de stabilité de massif rocheux commencera donc par la détermination la plus précise possible de ces paramètres. Ceci fait, les différents modes de rupture pourront être appréhendés et étudiés.
Il existe plusieurs mode de représentation des discontinuités.
     L'analyse stéréographique des géologues permet une représentation de celles-ci. Cette analyse va permettre de passer de l'espace usuel en 3D, à un espace représentatif sur une feuille de papier, en 2D. L'angle de plus grande pente d’une surface plane prend une valeur comprise entre 0 et 90 degrés, qui est donnée par rapport à l’horizontale. L’azimut, par rapport au Nord magnétique, du plan vertical contenant la direction de la plus grande pente prend une valeur de 0 à 360 degrés.
     Ces deux valeurs sont introduites dans le canevas de Schmitt qui par projection conserve les surfaces et permet l'utilisation des courbes iso- densité. Les plans de discontinuité, définis par leur deux angles, sont alors représentés par un point. De la même façon, le plan du talus rocheux sera représenté sur le canevas.
Fig 6 - 2 Canevas de Schmitt
Cette représentation permet de détecter différents modes de rupture.
6 - 2 - 1 - Rupture plane.
Une masse instable glisse sur un plan de discontinuité. Pour qu'une rupture plane soit à craindre, il faut que les quatre conditions suivantes soient réunies:
     La direction de la plus grande pente doit être à moins de 20 degrés de la direction du plan du talus.
     L'angle de plus grande pente doit être inférieur à l'angle du talus, et la discontinuité doit déboucher dans la pente du talus.
     L'angle de plus grande pente doit être supérieur à l'angle caractérisant le frottement plan sur plan de la discontinuité.
     L’extension latérale de la rupture doit être possible soit par l'absence de matériaux (fin du talus), soit par la présence de discontinuités (failles verticales par exemple) qui ne contribuent pas à la stabilité de la masse potentielle en mouvement.
Les trois premières conditions se vérifient diectement sur le canevas de Schmitt, la dernière par la lecture du projet ou l'observation du site. La présence d'eau peut infirmer la troisième règle et l'étude hydraulique est alors nécessaire.
     Le calcul d'une rupture plane se fait alors par une méthode d'équilibre limite à deux dimensions. Généralement l'ingénieur a à faire à l'un des deux cas suivant:
Une fissure de traction en tête du glissement recoupe la pente, (fig. 6 - 3) ou une fissure de traction en tête du glissement recoupe le talus. (fig. 6 - 4)
Fig 6 - 3 - Rupture plane.
Fig 6 - 4 Rupture plane limitée à l’amont.
avec les notations des figures ci-dessus, le calcul fournit la relation suivante :
F = {cA + [ W (cos yp - a sin yp) -U -V sin yp + T cos q ] tan j} / [W (sin yp + acos yp) + V cos yp - T sin q]
          avec H = hauteur du talus
           yf = pente du talus
           ys = pente terrain naturel, au-dessus du talus
           yp = pente du plan de rupture.
           gr = poids spécifique du rocher
          a = accélération horizontale. (séisme, tir)
          b = distance de la fissure à la crête du talus
          T = force d'ancrage ou de boulonnage
           q = inclinaison de l’ancrage par rapport à la normale du plan de rupture
          c = cohésion sur le plan de rupture
           j = angle de frottement
           gw = poids spécifique de l'eau
          Z w = hauteur d'eau dans la fissure
          Z = profondeur de la fissure
          A = longueur de la surface de rupture. (par unité de longueur dans la direction perpendiculaire)
          U : poussée de l'eau sur le plan de rupture = 0.5 gw Zw A
          V : poussée (horizontale) de l'eau dans la fissure = 0.5 gw Z2w
          W = poids du bloc en mouvement
Pour le cas de la figure 6 - 3
          Z : profondeur de la fissure de traction  = (H cotan yf - b) (tan yf - tan yp)
          W : poids du bloc = 0.5 gr H2 [(1 - Z/H)2 cotan yp(cotan yf tan yp - 1)]
          L : longueur de la rupture = (H cotan yf - b) (1 / sin yp)
          A = (H cotan yf - b) / cos yp
et pour le cas de la figure 6 - 4
          Z : profondeur de la fissure de traction = H + b tan ys - (b + H cotan yf) tan yp
          W : poids du bloc = 0.5 gr (H2 cotan yf X + bHX + bZ), avec X = (1 -  tan yp cotan yf)
          L : longueur de la rupture = (H cotan yf + b)  / sin yp
          A = (H cotan yf + b) / cos yp
Ces formules permettent de mettre en évidence la sensibilité aux conditions hydrauliques et aux conditions sismiques.
6 - 2 - 2 - Stabilité d'un dièdre
Les dièdres résultent de glissements le long de deux discontinuités dont les angles de plus grande pentes intersectent le talus, en formant un dièdre instable. Cette instabilité peut être immédiate ou différée dans le temps, de faible ou de grand volume. Certaines lithologies sont plus favorables au développement de telle rupture.
Les conditions d'une rupture en dièdre sont :
     La ligne d'intersection des discontinuités doit être voisine de la ligne de plus grande pente du talus
     La pente de cette ligne d'intersection plus faible que celle du talus, et cette ligne d'intersection doit émerger sur le talus.
     La pente de la ligne d'intersection doit être plus grande que l'angle de frottement des discontinuités. Si les angles des deux discontinuités sont différents une moyenne peut être faite.
Aucune hypothèse n'est nécessaire sur l’extension latérale de la rupture.
L'analyse de stabilité de type équilibre limite conduit aux formules suivantes le dièdre étant formé par les plans a et b.:
Définitions des paramètres. (fig 6 - 5)
           af : azimut du talus.
           aa : azimut du plan a
           ab : azimut du plan b
           yf: angle de plus grande pente du talus
           ya : angle de plus grande pente du plan a
           yb : angle de plus grande pente du plan b
           j : angle de frottement
           yi: angle sur l'horizontale de l'intersection des plans de rupture
           ai : azimut de l'intersection des plans de rupture
Les conditions de la rupture sont :
                     ai presque égal à af
                     yi < yf
                     j < yi
fig 6 - 4 - Définition d’un dièdre.
     si aa ou ab est entre ai ou af alors la rupture à lieu sur le plan a ou b le plus pentu, suivant la pente maximale; sinon le glissement à lieu suivant la ligne d'intersection.
          L'analyse à la rupture conduit à la formule suivante dans le cas d'un sol sans eau :
F = (3 / gr H)(ca X + cb Y) + ( A - X gw / 2 gr) tan ja + ( B - Y gw / 2 gr) tan jb avec
          c a et cb cohésion sur les plans a et b,
           ja et jb, angles de frottement sur les plans a et b
           gr poids volumique de la roche,
          H, hauteur totale du dièdre
           yaet yb angle de plus grande pente des plans a et b
           yi angle sur l'horizontale de la droite d'intersection des deux plans.
          X = sin q24 / (sin q45 cos qna.2)
          Y = sin q13 / (sin q35 cos q nb.1)
          A = (cos ya - cos yb.cos qna;nb) / sinfi sin 2 qna.nb
          B = (cos yb - cos ya.cos qna.nb) / sin yi sin 2 qna.nb
     Les angles sont définis sur la fig 6 - 6
Un cas courant est celui ou le frottement est le même sur le deux face du dièdre. La formule se simplifie en :
F = (sin b / sin (z / 2) ) . (tan j / tan yi )
avec b l’angle entre l’horizontale et la bissectrice du dièdre dans un plan perpendiculaire à l’arrête du dièdre, x angle entre les deux plans du dièdre, j l’angle de frottement, et yi l’angle d’inclinaison de l’arrête du dièdre.
Fig 6 - 6 - Angles pour le calcul de la stabilité d’un dièdre.
6 - 2 - 3 - Rupture par basculement.
6 - 2 - 3 - 1 - Basculement généralisé.
Ce mode de rupture s'appelle usuellement le fauchage. Il peut se produire dans un massif rocheux découpé en colonne par des fractures à peu près normales à la pente et s'enfonçant profondément dans le massif. Dans ce type de rupture, les dalles verticales glissent entre elles et se plient autour d'un centre de rotation aux environs de la base de la pente. Les roches les plus soumises à ce type de déformation qui peut entraîner la rupture sont les basaltes (en orgue), les roches sédimentaires ou métamorphiques ayant des foliations bien développées Pour que la rupture se développe le centre de rotation doit être en dehors de la base. Les mouvements horizontaux importants sont en tête alors qu'ils sont très faibles à la base. Le frottement entre les dalles est un paramètre fondamental pour le développement du mouvement. Les mouvements antécédent qui induisent des tensions sont aussi un facteur de rupture et donc, l'histoire du massif est à prendre en compte. La rupture n’apparaît pas tant que la résistance au cisaillement entre les dalles, ou les colonnes n'est pas nulle. De l'eau en pression dans les fissures ou une érosion en pied peut déclencher la rupture.
L'analyse cinématique de ce mouvement montre que les conditions suivantes doivent être requises pour conduire la pente à la rupture.
La direction des dalles doit être, à 20 degré près, parallèle à la surface du talus.
La plus grande pente des dalles doit être orientée vers l'intérieur de la pente, à 20 degré près.
Pour qu'un glissement entre les plans puisse se produire, la normale au plan de fauchage doit être inférieure à l'angle de la pente diminué de l'angle de frottement entre les plans. Soit :  (90º - yp) < (yf - jp ) (Goodman, 1980). Cette formule a été précisée par Choquet et al, 1985, suivant : (90º - yp) < (yf - jp +k ) ou k = 0  pour jp< 20º, sinon k = 3/5 (jp - 20 )
Une limitation à l’extension latérale peut avoir une influence importante sur ces conditions.
Les méthodes de calcul pour ce type de rupture se heurtent à une bonne définition du coefficient de sécurité. On cherche à vérifier que le centre de gravité de la colonne reste au-dessus de sa base.( voir Hoek, Bray, 1981).
La méthode des éléments distincts (Cundall, 987) (Lorig et al., 1991) est actuellement employée pour le fauchage (Durville,  ). Développée dans le temps elle décrit un mécanisme possible d’évolution. (Fig. 6 - 7)
Fig 6 - 7 - Utilisation des éléments distincts pour étude du fauchage.
Les principes de cette méthode sont les suivants :
     La masse rocheuse est décomposée en blocs individuels capables de déplacements et rotation.
     Les forces d'interaction dépendent des positions relatives des blocs.
     Le schéma de résolution est explicite dans le temps. C'est à dire qu'un premier bloc est autorisé à se déplacer, ce qui entraîne un mouvement possible pour un autre bloc et ainsi de suite. (voir aussi annexe de ce chapitre)
6 - 2 - 3 - 2 - Stabilité d'une colonne.
La stabilité d'une colonne dépend essentiellement de sa géométrie et des conditions hydrauliques à l'arrière qui se manifeste par une poussée hydrostatique horizontale. On peut ainsi calculer la répartition des contraintes sur un plan horizontal à la base de la colonne. Suivant l'allure de cette répartition la rupture peut être envisagée par basculement ou par rupture du pied. Le second cas est moins dangereux que le premier, les éboulis ayant une extension moindre.(fig.6 - 8)
Le second cas peut être apparenté à une rupture par flambement, lorsque la discontinuité entre les dalles est parallèle à la pente du talus. Cette rupture peut se produire dans des talus très haut, vu la résistance usuelle de la roche.
Fig 6 - 8 - Equilibre d’une colonne.
6 - 2 - 3 - 2 - Rupture dans la masse.
Ces ruptures se produisent dans des matériaux rocheux très fracturés, c'est à dire lorsque la dimension des blocs est petite devant la dimension de la rupture. C'est pourquoi des grandes ruptures dans des matériaux fracturés peuvent être étudiées avec des méthodes mises au point pour les sols. Le matériau est considéré comme continu.
6 - 3 - Bibliographie.
Bishop et Bjerrum (1960)
Henkel
(Kankare, 1969)
(Picarelli et al., 1995)
Skempton
(Vaughan et al., 1973)