La non-linéarité
L'élasticité n'est pas le comportement réel du sol qui est bien plus compliqué. L'idée
naturelle
est de décomposer ce comportement quelconque en parties (ou domaines) où l'algèbre linéaire
peut être utilisée. Ce sont alors des applications tangentes qui vont être décrites, la difficulté
étant d'assurer une continuité entre ces domaines décrits linéairement.
En fait, la matrice d'élasticité d'un domaine est aussi fonction de l'histoire du
matériau dans
ses étapes précédentes et il est nécessaire d'élaborer des modes de mémorisation.
Mais comment déduire de tels modes à partir de l'expérimentation ?
Un article d'Argiris et al (1979) répertorie un certain nombre de méthodes non linéaires.
4 - 1 - Aspects de la non linéarité
4 - 1 - 1 - La notion de critère
La notion de critère a été introduit en plasticité, c'est une limitation de la valeur
des
contraintes. Pour que cette limitation soit facilement maniable, elle est donnée sous forme
d'une fonction dont le signe indique la non plasticité du milieu. Pour une valeur nulle du critère,
nous avons le seuil avec le début du comportement plastique.
Un très grand nombre de critères ont été proposés. Ces critères sont des descriptions
de
surface dans un espace de contraintes.
A la notion de critère, Hill ajoute la notion de normalité, (matériau standard) issue
du principe
de travail maximal, qui permet de différencier la déformation plastique de celle qui est
élastique. La formulation s'alourdit, mais permet le calcul de la surcontrainte que l'on
redistribue. On peut ainsi itérer sans modifier la matrice de rigidité, mais pas sans travail.
Explicitons un peu cette forme de calcul.
Lorsque le critère de plasticité est satisfait, le point représentatif atteint la
surface de l'espace
qui représente le critère, il se produit un écoulement plastique. L'accroissement total de
déformation comprend deux parties, l'une élastique, l'autre plastique et l'on écrit :
.
Le principe du travail maximal établi par Hill permet d'affirmer que la surface représentant
le
critère est convexe et que est dirigé suivant une normale extérieure à cette surface
On en déduit que :
Dans le cas des sols, en tenant compte de l'écrouissage, f s'écrit et f varie au fur
et à mesure
des déformations plastiques (l'écrouissage est représenté par k).
Posons ces relations sous forme matricielle, facilement représentables dans un ordinateur.
.
A l'équilibre (sur la surface représentant le critère) on a ou en différenciant :
En petite déformation l'usage est de remplacer par e, ce qui s'écrit :
étant la matrice de rigidité
donc
en posant : où A apparaît comme un paramètre lié à l'écrouissage, on a :
on a et soit
et en reportant dans l'équation précédemment écrite, on obtient :
ou
On passe de appliquée dans l'élément, aux forces correspondantes (forces de reéquilibrage)
appliquées aux nœuds de l'élément et l'on résout :
Exemple
Pour illustrer cette manipulation de formule, plaçons-nous en déformation plane dans
le cas du
critère de Coulomb. Ce dernier s'écrit en fonction de deux contraintes principales seulement : :
On identifie A et k en écrivant le critère sous la forme :
avec
il vient :
avec
4 - 3 - Problèmes posés par les méthodes de résolution
La non linéarité se traduit par la définition d'un critère. C'est une surface dans
l'espace des
contraintes et une loi d'écoulement, dépendante du critère, qui est décrite dans les
programmes. Cette loi fournit alors un à redistribuer et les ajustements successifs sont arrêtés
quand la surcharge devient inférieure à un seuil fixé.
Les différentes méthodes de redistribution ne sont pas très convaincantes et comportent
le
risque de mauvaise convergence. Cette convergence serait plus efficace dans un schéma
Newton, où l'on recalcule à chaque fois la matrice tangente, alors que l'usage veut l'emploi
d'une méthode Newton modifiée où la matrice tangente est celle de départ.
Méthode de NEWTON
Méthode de NEWTON modifiée
Une "bonne" approche serait de se débarrasser de ces redistributions et
donc de ne pas trop
s'éloigner de la courbe effort déformation, c'est-à-dire travailler en matrice tangente, avec des
pas de chargement petits, mais que veut dire ‘petit’.
Pour illustrer ces difficultés de convergence examinons deux méthodes d’itérations..
4 - 3 - 1 - La méthode des sous-incréments.
Pour présenter la méthode des sous-incréments, Bushnell (1977) commence par rappeler
la
méthode usuelle et fait la différence entre deux niveaux d'itération (ou boucles) notés A et B.
* Méthode usuelle
Pour un incrément de charge on résout un système A de n équations algébriques dont
le rang
est égal au nombre de degré de liberté du système modélisé. On détermine alors la
déformation plastique et la direction de l'écoulement plastique est supposée constante dans
tout l'incrément (loi de normalité en général). Ceci est résolu par itération dans un système
"local" d'équation, au niveau de l'élément, et on appelle B ce système.
Tillerson montre que la convergence n'est pas toujours assurée du fait que les charges
et
décharges entre chaque itération, sont appliquées à travers une matrice A qui varie de façon
discontinue.
* Méthode des sous-incréments
Elle se différencie de la méthode usuelle par les item suivants :
- le calcul de ne se fait pas dans la boucle A et on peut faire varier la direction
de
l'écoulement.
- la convergence de la redistribution des "charges" plastiques est assurée.
Dans le processus des sous-incréments ; l'incrément total de déformation entre deux
cas de
charge est divisé en sous-incréments.
Pour chaque sous-incrément, la direction de l'écoulement plastique est prise constante
et est
normale à la surface du critère, en un point correspondant au précédent sous- incrément. Et
pour chaque sous-incrément de déformation, le sous-incrément correspondant de contrainte
est déterminé par la loi d'écoulement et la loi effort- déformation (uniaxial stress strain curve).
Ainsi le système B est résolu pour chaque sous-incrément et en chaque point en s'appuyant
directement sur une loi expérimentale.
Cela revient à dire que dans l'incrément de charge, on raisonne avec les déformations
que l'on
s'impose pas à pas.
4 - 3 - 2 - La méthode ILI (Integrated Load Increment)
Ce processus itératif est présenté par Cheng et al (1980) comme une extension de la
méthode
de (Zienkiewicz et al, 1969). Une économie de calcul est faite en intégrant préalablement la loi
effort-déformation sur l'intervalle (pas de chargement), ce qui évite la redistribution des efforts
dans le cycle suivant.
Les séquences sont dans l'ordre.
a/ Calcul de la matrice d'élasticité élémentaire de l'élément :
.B matrice de dérivation donnant les déformations à partir des déplacements.
. matrice d'élasticité.
b/ Application de l'incrément de charge
c/ Calcul de .1ère itération
d/ Calcul de matrice de plasticité.
e/ Calcul de (1ère itération).
f/ Calcul de .
g/ Calcul de par la formule obtenue par intégration de la loi d'écoulement.
h) Calcul de forces non compensées par :
où K est la matrice tangente.
i/ Refaire les étapes c à h jusqu'à ce que soit inférieur à une valeur définie à l'avance.
j/ Calcul de toutes les valeurs de fin d'étapes.
k/ Passage au chargement suivant.
La figure suivante est une représentation schématique de la méthode ILI.
Représentation schématique de la méthode ILI
(d'après Cheng et Al. 1980)
On peut économiser l'étape c en extrapolant à partir de l'itération précédente.
Le gain en temps calcul est à l'étape g, car il n'y a pas d'itération pour obtenir
.
4 - 3 - 3 - Résolution par accroissement des déplacements
Quand on arrive près de la charge limite, il peut être difficile, voire impossible,
de redistribuer
les forces non compensées si l'incrément de charge Q est trop important ; ce qui se traduit
dans certains algorithmes par la prise en compte de Q décroissants.
Une autre idée est alors de travailler par accroissement de déplacement, puis de calculer
la
charge correspondante.
Cette idée apparaît en 1977 (Walter et Al.). Battoz et Dhatt (1979) décrivent un algorithme
que
Pauwell et Simon (1981) raffinent. Le champ de recherche de ces auteurs est le flambement
des structures et ils trouvent ainsi un moyen d'éviter la notion de bifurcation par un suivi très
réaliste et facile d'une courbe avec asymptote horizontale. Cependant, ils traitent le
déplacement point par point, ce qui est admissible dans le cas d'une structure élancée qui
flambe ; mais paraît assez délicat pour être mis en œuvre pour les sols : quel déplacement
en
quel point ?
Cette voie n'est cependant pas à rejeter, elle pourrait être employée pour les problèmes
d'ancrage où l'on mesure le déplacement, mais pas la contrainte.
5 - Conclusion
Traiter des comportements non linéaires en éléments finis n’est pas une chose
numériquement
et algorithmiquement simple. Si les programmes des années 90 comportent des algorithmes
encore plus élaborés que ceux présentés ci-dessus, malgré les efforts des auteurs,
leur
robustesse n’est pas absolue et des cas particuliers de chargement peuvent les mettre en
défaut. L’art de l’ingénieur est de détecter et contourner ces résultats
erronés