4. Calculs du remblai
  • Les méthodes de dimensionnement de la littérature

Il existe différentes méthodes de dimensionnement d’un remblai sur fontis que l’on retrouve dans les articles de la bibliographie jointe en annexe à ce rapport. Les modélisations du renforcement d’un sol sur fontis par des géotextiles sont diverses et variées et ne s’appuient pas toutes sur les mêmes hypothèses et principes. Cependant, le comportement de membrane du sol est une constante que l’on retrouve dans la plupart des modèles. Il permet en effet une bonne estimation de la déformation et du comportement du géosynthétique sous les contraintes dues au poids du sol de remblai.
Nous allons voir ici trois des principaux modèles utilisés par les professionnels, celui de Giroud (1990), la norme anglaise BS 8006 (1995) et la méthode utilisée dans le projet RAFAEL (Renforcement des Assises Ferroviaires et Autoroutières contre les Effondrements Localisés).
  • Modèle de Giroud
Giroud adopte le concept de membrane pour caractériser le comportement du géotextile sous le poids du remblai. Les principales hypothèses de son modèle sont les suivantes :
  • La déflection est circulaire
  • Le chargement est appliqué perpendiculairement à la surface déformée du géosynthétique
  • L’appui est rigide
  • Le comportement contrainte déformation du géotextile est isotrope
  • Il n’y a aucune contrainte dans les zones d’ancrage
Ce modèle diffère des autres modèles par la prise en compte de la résistance au cisaillement sur le plan de fracture, ce qui conduit à une diminution de la contrainte effective sur le géosynthétique.
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Figure 14 : Modèle de Giroud (d'après Conférence de Nice 2002)
Dans ce modèle, la forme de la zone impliquée dans l’effondrement est cylindrique.
Cette méthode est intéressante quand au comportement de membrane du géotextile mais n’aborde pas le problème du comportement du remblai situé au- dessus lors d’un effondrement (effet voûte, foisonnement) et ne permet pas de trouver un lien entre la déflection du géosynthétique et la déformation visible à la surface du remblai.
  • La norme anglaise BS 8006
Cette méthode se base sur des expériences d’effondrements effectuées en l’absence de renforcement par géotextiles. Elle est aussi basée sur le concept de comportement en membrane du géosynthétique et une déflexion ds résulte de l’effondrement (on suppose le volume du sol constant). Contrairement aux deux autres méthodes présentées ici, dans le modèle de la norme BS 8006, la zone impliquée dans l’effondrement est de forme conique.
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Figure 15 : Le modèle de la norme anglaise BS 8006 (d'après Conférence de Nice 2002)
Cette méthode se divise en deux parties, la détermination de la contrainte dans le géosynthétique et la détermination de la résistance à la traction requise. Une corrélation directe est ici formulée entre la déformation du géotextile et celle du sol en surface. Le modèle calcule ensuite la résistance en traction requise pour que le renforcement soit efficace en fonction de la contrainte imposée et de la géométrie du remblai.
Cette méthode montre que la résistance à la traction requise décroît avec l’augmentation de la hauteur du remblai et augmente ensuite quand la contrainte maximum du géotextile choisi est atteinte.
Les valeurs de la résistance à la traction requise en utilisant ce modèle sont plus grandes que celles obtenues avec le modèle de Giroud.
  • La méthode du programme « RAFAEL »
Cette méthode est basée sur des expérimentations « grandeur nature » effectuées dans le cadre du projet RAFAEL (Renforcement des Assises Ferroviaires et Autoroutières contre les Effondrements Localisés). Le programme RAFAEL a pour objectif d’analyser in situ le comportement réel des structures renforcées (essais de référence) et de tester l’efficacité de la solution de renforcement proposée en vue de l’établissement d’une méthode de dimensionnement. Des expériences en vraies grandeurs sur des ouvrages instrumentés ainsi que des études numériques ont été conjointement menées dans le but de valider et préciser le domaine d’application des hypothèses de calcul, comme la formulation de l’effet membrane (Delmas, 1979, et Giroud, 1995) ou celle de l’effet voûte (Terzaghi, 1943, et Richard, 1985).
Des études numériques ont été effectuées au préalable pour définir les options techniques à mettre en œuvre (géométrie du remblai, diamètre des cavités, type de géotextiles à utiliser).
Les expériences se sont déroulées avec des cavités de 2 mètres et de 4 mètres de diamètres situées sous une hauteur de remblai de 1,5 mètres, le tout renforcé par des nappes de géotextiles non-tissés monodirectionnelles (renforcement dans la direction du trafic). En utilisant des nappes monodirectionnelles, on optimise le renforcement. En effet, l’action des fibres positionnées dans une seule direction est équivalente (à quantité totale équivalente de fibres) à celle d’une nappe renforcée dans deux directions (direction du trafic et transversalement). De plus, cette solution est plus économique et plus facile à mettre en œuvre sur le terrain.
Les cavités sont initialement remplies de billes d’argiles puis vidées par succion pour simuler le phénomène de fontis. Des essais de traficabilité sont alors effectués (passage de camions et de trains) pour avoir des conditions les plus proche de la réalité. Une instrumentalisation est mise en place pour mesurer les déformations et les tensions dans le géotextile, ainsi que l’affaissement du sol de remblai en surface.
Certaines conclusions ont pu être tirées de ces essais.
Si la hauteur du remblai est faible devant le diamètre de la cavité, le fontis remonte jusqu’à la surface (affaissement) et on assiste à un effondrement total du cylindre au- dessus de la cavité. La raideur J du géotextile et la décompaction du sol sont les facteurs influençant alors le tassement en surface. La décompaction du sol est l’augmentation plus ou moins importante du volume du sol initial suite à une désimbrication et une réorganisation de ses particules. Le coefficient de foisonnement Ce est défini comme le rapport entre le volume de sol décompacté Vsf et le volume de sol initial avant décompaction Vs (Ce = Vsf /Vs).
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Figure 16 : Cas d'un effondrement du remblai (d'après Conférence de Nice 2002)
Dans le cas où la hauteur du remblai est importante devant le diamètre de la cavité, on observe petit à petit une redistribution des efforts dans le sol de remblai non effondré et une voûte de sol se forme engendrant ainsi le report des forces sur les bords de la cavité. La déformation du géosynthétique va libérer un espace DVg qui est partiellement ou complètement comblé par l’augmentation du sol foisonné. Cette augmentation peut s’exprimer sous la forme suivante : D Vs = Vsf – Vs = (Ce – 1)*Vs. Si un vide subsiste entre le sol effondré et la voûte, le mécanisme d’effondrement peut continuer, par exemple après un chargement dynamique (trafic), tandis que dans le cas où l’augmentation du sol foisonné comble entièrement le vide, la voûte peut alors être considérée comme stable et l’effondrement stoppé.
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Figure 17 : Cas d'une stabilisation du remblai (d'après Conférence de Nice)
A partir de ces études expérimentales et numériques menées en parallèle, une méthode de calcul simplifiée a été élaborée à destination des professionnels. Cette méthode va dans le sens de la sécurité et les hypothèses adoptées vont dans cette optique. L’action d’une voûte proche de la surface du remblai ne sera ainsi pas considérée dans le dimensionnement du remblai à moyen et à long terme.
Les principales hypothèses de ce modèle sont les suivantes :
  • l’effondrement du cylindre de sol au-dessus de la cavité engendre les efforts sur le géosynthétique. Les éventuelles surcharges en surface (trafic) entraîneront une augmentation de cet effort.
  • Les déformations du géotextile sont expliquées par son comportement en membrane sous les charges appliquées.
  • La charge q est supposée verticale et uniformément répartie sur le géosynthétique.
  • Les déplacements en surface sont dus à la déformation du géotextile ainsi qu’à l’expansion du volume du sol de remblai (déplacement du sol inférieur à celui de la nappe de géosynthétique).
C’est ce modèle que nous adopterons dans la suite de l’étude.