Atmosphère de tunnels
  • Description des différents facteurs influant sur la corrosion atmosphérique
La corrosion atmosphérique est l'interaction entre le milieu ambiant et un matériau métallique exposé à cet environnement. Les matériaux les plus concernés par la corrosion atmosphérique sont l'acier, le zinc, le cuivre et l'aluminium. Rappelons qu'en tunnel l'acier, le zinc et l'aluminium sont couramment employés.
Les vitesses de corrosion sur des matériaux peuvent être accrues par de nombreux facteurs tels que :
  • facteurs climatologiques : température aux têtes et dans l'ouvrage, ensoleillement des têtes, vitesse et direction du courant d'air naturel, …
  • composition de l'atmosphère : humidité, gaz polluants, vapeurs acides, polluants solides,…
Classification des atmosphères
On retrouve dans les tableaux ci-dessous les caractéristiques générales des différents types d'environnement classés en deux familles d’atmosphères : intérieures et extérieures.
Les atmosphères intérieures.
Le classement des atmosphères "intérieures" est réalisée en prenant en compte l'hygrométrie du local qui se caractérise par le rapport t    
avec t= W/n
où "W" est la quantité de vapeur d'eau produite à l'intérieur du local par heure exprimée en grammes par heure (g/h) et "n" le taux horaire de renouvellement d'air exprimé en mètre cubes par heure (m3/h).
Rapport t (g/m3 )
Type de local
Exemples
t £2,5
Local à faible hygrométrie
Bâtiments industriels à usage de stockage, 
2,5 < t £5
Local à hygrométrie moyenne
Bâtiments d'habitation, (cuisines et salles d'eaux, correctement chauffés et ventilés)
5 < t £7,5
Local à forte hygrométrie
Bâtiments d'élevage agricole, manèges de chevaux, certains ateliers, etc..
Locaux pour la fabrication de produits à atmosphère humide contrôlée
t > 7,5
Local à très forte hygrométrie
Locaux industriels nécessitant le maintien d'une humidité relativement élevée.
Locaux avec forte production de vapeur d'eau (piscines, ateliers de lavage, laiteries industrielles, brasserie, etc.)
Les atmosphères extérieures.
Atmosphères extérieures
Caractéristiques générales
Rurale
Considérée comme pure et non polluée (absence de source de corrosion).
Polluants solides d'origine végétale ou minérale (CaCO3, CaSO4…)
Alternance d'humidité et de sécheresse
Urbaine normale
Contient des gaz (SO2) et des suies, alternance d'humidité et de sécheresse.
Industrielle
Fortes concentrations en agents corrosifs : SO2, H2S, ... et de l'humidité.
Industrielle ou urbaine sévère
Présence de très fortes teneurs en composés chimiques corrosifs
Maritime
Teneur  en chlorure très élevée, embruns, forte humidité.
Mixte
Cas où il y a coexistence  de milieux différents (p. ex : urbaine maritime) et où la sévérité des expositions est accrue par certains effets tels que : embruns en front de mer, températures élevées, dépôts de poussières
Tropicale
Humidité relative très forte >80% pendant de longues périodes (4000 à 6000 h/an). Température élevée 15 à 40 °C
  • L'humidité relative
Quelles que soient les atmosphères considérées, il n'y aura corrosion que si la teneur en humidité de l'air est importante. La mesure de cette humidité est donc une action primordiale.
  • Les gaz polluants
Les principaux polluants que l'on peut rencontrer dans l'atmosphère d'un tunnel sont :
  • les composés soufrés (SO2, SO3, H2S, les sulfures organiques),
  • les composés azotés (NH3, NO2, NO3,…),
  • les vapeurs acides.
Les plus agressifs en termes de corrosion sont les composés soufrés ; sous-produits de l'oxydation de combustibles industriels, ils proviennent du soufre contenu dans le gasoil ou le super sans plomb des véhicules.
Ils sont très solubles dans l'eau : de fait en présence d'une forte humidité relative ils peuvent devenir acides (®acide sulfurique). Ainsi le film d'eau en surface du métal, devenant l'électrolyte, réagit avec eux pour former des sulfates ou des hydrosulfates.
Les matières carbonées telles que la suie absorbent aussi facilement le SO2.
Dès que le degré hygrométrique est suffisant, le SO2 accélère fortement la vitesse de corrosion. Cette vitesse dépend de la durée pendant laquelle l'humidité relative est supérieure à la valeur critique.
  • Les chlorures
Les chlorures sont d'autres éléments ayant une influence reconnue sur la corrosion.
Leur concentration varie en fonction de la proximité de la mer, ce qui est le cas des ouvrages proches des côtes ou en fonction de sources de pollution comme par exemple les sels d'épandage pour les ouvrages de montagne.
L'influence des chlorures varie avec leur concentration – plus celle-ci augmente, plus les risques de corrosion sont importants.
  • Les polluants solides
.
Les polluants solides (ou poussières) présents en tunnel proviennent essentiellement : des huiles et graisses émanant des pièces mécaniques des véhicules, de l'usure des véhicules (freins, pneumatiques, etc.) et de la chaussée.
Le rôle des poussières est extrêmement néfaste pour la tenue à la corrosion de pratiquement tous les métaux.
En effet, elles favorisent, du fait de leur hygroscopie, les condensations et abaissent le seuil critique d'humidité. Sous les amas de poussières, la corrosion par aération différentielle et par crevasse peut se développer.
  • Actions à engager lors de la réalisation d'un ouvrage
Pour un futur ouvrage , il convient, tout d'abord, de prendre en compte sa situation géographique. Ensuite, selon le niveau d'avancement du projet, des mesures in situ pourront être faites.
  • Etude de la situation géographique
Des informations, sur les divers paramètres pouvant permettre d'estimer la corrosivité du site d'implantation du futur ouvrage peuvent être obtenues grâce à :
  • Météo France (température, précipitation, humidité relative),
  • Les réseaux de surveillance de la qualité de l'air (divers polluants),
  • Les chambres de commerce et d'industries (industries principales).

  • Avec les informations recueillies, une classification des conditions d'environnement climatique et chimique peut être réalisée conformément à la norme CEI 721-3-4 (classification des conditions d'environnement).

  • Ce classement prend en compte les facteurs suivants :
  • les conditions climatiques (de 4K1 à 4K4, H ou L),
  • les conditions climatiques spéciales (de 4Z1 à 4Z10),
  • les conditions biologiques (4B1 et 4B2),
  • les substances chimiquement actives (de 4C1 à 4C4),
  • les substances mécaniquement actives (de 4S1 à 4S4),
  • les conditions mécaniques (de 4M1 à 4M8).
    • Mesures in situ
La norme ISO 9223 – Corrosion des métaux et alliages – Corrosivité des atmosphères – Classification - permet de déterminer la classe de corrosivité de l'atmosphère d'un lieu donné de deux manières :
  • En mesurant les effets de la corrosion sur des éprouvettes étalons exposées en tunnel. Cette approche est longue car les mesure sur les éprouvettes étalons doivent s'effectuer sur une durée de plusieurs années (les premiers relevés ne peuvent se faire qu'après un an d'exposition et les valeurs obtenues ne peuvent être extrapolées pour prévoir le comportement à long terme ce qui impose de poursuivre les relevés au moins 2 ou 3 ans).
  • En fonction des facteurs atmosphériques qui jouent un rôle significatif en matière de corrosion des métaux, à savoir la durée d'exposition à l'humidité et le niveau de pollution. Cette approche permet d'obtenir des résultats beaucoup plus rapidement (durée minimale d'exposition de 28 jours).

  • Des essais conduits par le CETU et d'autres confiés au CETIM ont permis de constater des résultats assez similaires entre les deux démarches proposées par la norme ISO 9223 (d'une part suivi d'éprouvettes étalons pendant plusieurs années et d'autre part mesurage de persistance d'humidité et de pollution sur une durée d'un mois).

  • La démarche proposée pour évaluer l'agressivité d'un tunnel est donc celle qui est définie dans la norme ISO 9223 et fondée sur le mesurage de persistance d'humidité et de pollution.

  • Dans les deux manières de caractérisation de corrosivité retenues par la norme ISO 9223, la classification ne peut se faire, avec précision, que si l'ouvrage est circulé. Toutefois, la seconde manière, peut s'employer pour obtenir une estimation qui permettra d'avoir une première idée de la corrosivité de l'ouvrage. En effet, dans l'approche basée sur les facteurs atmosphériques qui jouent un rôle dans la corrosivité, les critères retenus pour caractériser la corrosion des métaux et alliages par l'atmosphère sont la durée de persistance de l'humidité sur les surfaces (facteur τ), le niveau de pollution par le dioxyde de soufre (facteur P), et le niveau de pollution par le sel contenu dans l'air (facteur S). Les autres types de pollution tels que les oxydes d'azote et les poussières n'ont pas été retenus comme critères de classification.

  • La durée de persistance de l'humidité sur les surfaces est définie comme la durée pendant laquelle l'humidité relative dépasse 80 % à une température supérieure à 0° C. Lorsque les travaux de génie civil de l'ouvrage sont suffisamment avancés il devient possible de faire des mesures in situ dans l'ouvrage. Pour cela, il convient de mettre en place des enregistreurs de température et d'humidité en différents points de l'ouvrage (vers les extrémités et au centre). Il est recommandé de faire des relevés en continu durant au moins un an ; si les mesures ne peuvent pas être faite sur une année il convient de choisir des périodes représentatives des conditions climatiques locales les plus défavorables (il faut éviter les périodes d'été et préférer les mois d'automne ou d'hiver). Les résultats des mesures d'humidité et de température permettent alors d'obtenir une valeur du facteur τallant d'une situation peu humide (τ1) à une situation extrêmement humide (τ5).

  • Les niveaux de pollution par le dioxyde de soufre et par le sel contenu dans l'air se définissent par des mesures de concentration en SO2 (selon une méthode définie dans la norme ISO 9225) et de dépôt de chlorure (selon une méthode définie dans la même norme ISO 9225). En fonction des résultats obtenus les niveaux sont affectés à des catégories :
  • de P0 à P3 pour le dioxyde de soufre ,
  • de S0 à S3 pour le sel contenu dans l'air .

  • Le trafic étant inexistant des mesures de SO2 et de chlorure dans l'ouvrage présentent peu d'intérêt pour obtenir des valeurs pour les facteurs P et S : il convient d'estimer ces valeurs.

  • Estimation du facteur P
  • Lorsque l'ouvrage sera circulé les rejets des véhicules vont amener une présence de SO2 et comme la norme précise d'une part que toute concentration de dioxyde de soufre dans la catégorie P0 est considérée comme un bruit de fond non significatif du point de vue de la corrosivité et d'autre part que la pollution dans la catégorie P5 correspond à des cas extrêmes on peut estimer, en première approche, que, pour ce qui concerne la pollution par le dioxyde de soufre, un tunnel sera :
  • le plus souvent dans la catégorie P1,
  • parfois dans la catégorie P2 pour des ouvrages pour lesquels le trafic attendu sera élevé (TMJA ≥ 50 000) ou avec une forte présence de poids-lourds (≥ 10 %).

  • Estimation du facteur S
  • La présence de chlorure étant très liée à la proximité de la mer ou à la présence de sels d'épandage sur les accès d'un ouvrage on peut estimer, en première approche, que, pour ce qui concerne la pollution par le sel contenu dans l'air sous forme de chlorure, un tunnel sera :
  • le plus souvent dans la catégorie S0,
  • dans la catégorie S1 pour des ouvrages proches des côtes ou en montagne.
La connaissance du taux de persistance de l'humidité (facteurτobtenu par mesurage sur le site), de la catégorie de pollution par les composés du soufre, fonction du niveau de SO2 (facteurPestimé) et de la catégorie de pollution fondée sur la contamination par le sel contenu dans l'air (facteurSestimé) permet de définir à quelle classe de corrosivité appartient l'atmosphère d'un tunnel en appliquant la norme ISO 9223 (voir tableau ci-dessous).
Classe
Corrosivité
C1
Très faible
C2
Faible
C3
Moyenne
C4
Elevée
C5
Très élevée
La connaissance de la classe de corrosivité permet de choisir les matériaux et les traitements de surface appropriés.
La procédure décrite dans les paragraphes qui précédent est résumée dans le tableau ci- dessous.