Protection par peinture
Les aciers utilisés dans le secteur du bâtiment et des travaux publics comme dans celui de l’industrie sont soumis à la corrosion. L’industrie fait appel à de nombreux système de protection. En revanche, le domaine du bâtiment et des travaux publics à un éventail de solutions plus restreint par le fait que les pièces à traiter sont souvent de grandes dimensions.
     Pour lutter contre la corrosion des aciers, il existe plusieurs méthodes ([8] Galland) :
  • La première méthode consiste à rendre la surface chimiquement inerte. La solution se traduit alors par la mise en place de dépôts protecteurs (dépôts épais avec des épaisseurs comprises entre 200 µm et 5 mm, dépôts minces avec des épaisseurs inférieures à 200 µm, diffusion intermétallique) ;
  • La deuxième méthode s’oriente vers la modification de l’environnement en utilisant des inhibiteurs minéraux ou organiques soit en phase liquide, soit en phase vapeur ;
  • La troisième méthode revient à rendre la surface thermodynamiquement stable par l’utilisation de systèmes de protection cathodique (protection cathodique à courant imposé, protection cathodique par anode soluble) ;
  • Enfin, la dernière méthode consiste à rendre la surface électrochimiquement plus noble en faisant appel à la notion de passivation et à la protection anodique.
La direction d’action utilisée dans le domaine des ouvrages d’art métalliques s’oriente vers la méthode consistant à rendre la surface chimiquement inerte.
     Le fascicule 56 du Cahier des Clauses Techniques Générales préconise comme système de protection contre la corrosion des aciers sur les ouvrages d’art métalliques, les procédés suivants :
  • Application d’un système de peintures sur acier nu ;
  • Application d’un système de peintures sur acier grenaillé et pré-peint par traitement automatique ;
  • Métallisation au pistolet sur acier nu suivi d’une mise en peinture ;
  • Galvanisation à chaud ;
  • Galvanisation à chaud suivie d’une mise en peinture ;
  • Zingage électrolytique.
Parmi ces procédés, il faut faire une distinction entre les systèmes pouvant être réalisés « in situ » et ceux réalisés en atelier. La galvanisation à chaud et le zingage électrolytique ne peuvent être réalisées qu’en atelier et ces procédés sont en général réservés aux superstructures métalliques telles que les corniches, les glissières, etc.
     Le procédé de protection contre la corrosion le plus utilisé sur les ouvrages d’art métalliques est la mise en peinture sur acier nu.
Avec les dispositifs décrits ci-après, on peut dire sous forme de conclusion des procédés de protection:
     Grâce aux évolutions des techniques de protection anticorrosion et aux règlements en vigueur, les systèmes de protection ont des durées de vie supérieures à vingt ans. Dans le domaine des ouvrages d’art métalliques, le système de protection anticorrosion le plus utilisé est la mise en peinture sur acier nu. Les peintures actuelles ne sont pas exemptes d’inconvénients notamment lors des réparations des ouvrages et plus particulièrement lors des opérations de décapage. Avec les nouvelles réglementations concernant les déchets produits dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, les évolutions des prochaines années vont porter sur le remplacement des formules actuelles des peintures par formules moins polluantes, laissant plus de place aux peintures en phase aqueuse.
L'évolution des systèmes de protection
Au cours du temps, les ingénieurs et les techniciens responsables des ouvrages d’art métalliques ont toujours eu le souci de rechercher les meilleures performances anticorrosion avec un objectif de durabilité avant entretien. Dans les années 30, un système de protection anticorrosion avait une durée d’efficacité de douze ans. Aujourd’hui, les évolutions des produits et des systèmes permettent d’envisager une durée de vingt ans sans entretien ([9] Daniel André, Jacques Fuchs, Guy Maire).
     Au début du siècle, les systèmes de protection des ouvrages d’art métalliques étaient composés :
  • Des couches de peinture à l’huile avec une couche primaire au minium de plomb et des couches intermédiaires à l’oxyde de fer micacé pour les parties vues ;
  • Des couches de brais de houille ou bien de bitume de pétrole pour les parties non vues ;
  • Les couches de finition étaient limitées au vert ou au gris.
Certains systèmes comportaient à cette époque, jusqu’à cinq couches.
Au cours des années 50, certains ouvrages ont commencé à donner des signes de faiblesse notamment ceux soumis à des atmosphères maritimes. La métallisation au zinc comme couche de protection anticorrosion sous les couches de peinture à l’huile, ne suffisait pas. Il fallait quand même appliquer sur la métallisation, un système de peintures composé de 4 couches. Dans le même temps, la galvanisation apparaissait sur des pièces d’ouvrages relativement de faibles dimensions.
Dans les années 60, les peintures à l’huile sont remplacées par les peintures glycérophtaliques. Ces dernières ont permis un entretien plus facile des ouvrages protégés par des peintures à l’huile par le fait que ces deux familles de peinture sont compatibles.
Dès 1965, les peintures primaires riches en zinc viennent progressivement remplacer les peintures primaires traditionnelles. Ces primaires riches en zinc sont préférés à la métallisation au zinc qui à l’inconvénient d’avoir un coût de réalisation assez élevé. Pour les parties non vues des ouvrages, les brais d’époxydes ou vinyliques remplacent les brais de houille ou le bitume de pétrole car ils offrent des films plus adhérents, moins sensibles aux variations thermiques et une meilleure durabilité.
Dès années 90 à nos jours, l’évolution des systèmes de protection est liée aux nouvelles réglementations concernant l’hygiène et la sécurité aussi bien pour le personnel qui réalise les travaux que pour les usagers, mais également pour l’environnement.
Durant cette période, les primaires riches en zinc ont évolué avec une diminution du pourcentage de zinc dans la formule. Des pigments inertes ont remplacé le zinc dans certains produits donnant ainsi des systèmes de protection pauvres en zinc. Des systèmes bicouches épais sans primaire ont vu le jour afin de réduire les coûts de protection et les impacts sur l’environnement lors des décapages.
Les liants époxydes ont également évolué afin de pouvoir être appliqués sur les anciens fonds à base de peinture à l’huile ou alkydes ou autres. Cela a permis aussi d’avoir des systèmes à deux couches plutôt qu’à quatre et à utiliser pour les couches de finition, des polyuréthannes ou acryle-polyuréthannes offrant une meilleure durabilité par un choix de pigmentation adéquat. En outre, à la fin des années 90, les formules à base de résines silicones se développent de façon à s’affranchir de la toxicité des résines issues de la chimie organique.
La préparation des surfaces
Le type de protection ainsi que sa durabilité dépendent essentiellement de la préparation des surfaces. Le degré de soin de décapage dépend de la rigidité de la tôle, mais également de l’épaisseur des soudures. Ainsi, le fascicule 56 du Cahier des Clauses Techniques Générales définit trois catégories déterminant le degré de soin de décapage :
  • Catégorie 1 : éléments d’épaisseur ³8 mm pour deux faces à protéger ;
    éléments d’épaisseur ³6 mm pour une face à protéger ;
  • Catégorie 2 : éléments d’épaisseur ³4 mm ;
  • Catégorie 3 : éléments d’épaisseur < 4 mm.
Les éléments structuraux des ouvrages d’art seront classés en catégorie 1, tandis que les équipements de visites seront selon l’épaisseur classés en catégorie 2 ou 3.
Le décapage pour mise en peinture ou métallisation
     Pour les ouvrages neufs, l’abrasif doit être projeté sur les surfaces par voie sèche. Le grattage, le piquage, le brossage ne sont admis que pour les éléments de catégorie 3. En effet, pour ces éléments, la projection d’abrasif pourrait les déformer. Il faut distinguer les opérations de décapage réalisées en atelier de celles réalisées in situ.
Le décapage en atelier
     Le décapage est effectué par « grenaillage ». L’abrasif est constitué de grains d’acier ou de fonte de formes sphériques et angulaires. Il est projeté soit par l’effet mécanique d’une machine rotative, soit par jet d’air comprimé.
     La qualité de la préparation requise préconise la proportion entre les grains anguleux et les grains sphériques, mais également leur grosseur. Après utilisation, la grenaille est recyclée.
Le décapage sur le chantier
     Le décapage sur le chantier est réalisé par abrasif non recyclé. Pour cela, l’abrasif utilisé est du laitier de haut fourneau, des silicates d’alumine naturels ou artificiels. La projection d’abrasif est réalisée par jet d’air comprimé. Ce mode de décapage est encore appelé « sablage » car durant de nombreuses années, l’abrasif utilisé était du sable. Pour des raisons de santé, un décret du 6 Juin 1969 a interdit l’utilisation de sable contenant plus de 5 % de silice libre.
La qualité de préparation d’une surface
     La qualité de préparation d’une surface est définie par le degré de soin de décapage et par la classe de rugosité de la surface.
     Le degré de soin est exprimé par la norme internationale ISO 8510 : évaluation visuelle de la propreté du subjectile.
     Le fascicule 56 du Cahier des Clauses Techniques Générales fixe la valeur nécessaire en fonction du système de protection et de la durée de vie. Les systèmes de peinture de catégorie A nécessitent un sablage SA 2 ½ ou SA 3.
     La fiche technique du fabricant de peinture ou la fiche de certification du système de peintures va permettre de faire un choix entre ces deux valeurs.
     La classe de rugosité est quant à elle fixée par la norme NF EN ISO 8503 : caractéristiques de rugosité des subjectiles d’acier décapés. La classe exigée est fixée par la fiche de certification ou la fiche technique du fabricant de peinture. La classe nécessaire est alors la classe « moyen G ».
     Ces caractéristiques nécessaires sont obtenues en jouant sur la durée de l’opération, la forme, la granulométrie et la dureté des grains d’abrasif.
Les modes d'application de la peinture
La mise en peinture d’un ouvrage est généralement réalisée en partie en atelier puis en partie sur chantier.
Les opérations d’atelier
     Les sous-ensembles d’ouvrage achevés sont décapés, dépoussiérés à l’air comprimé. A partir de cet instant, dès que les conditions hygrométriques le permettent, la première couche doit être appliquée dans un délai assez court afin d’éviter un début de corrosion qui serait nuisible à l’adhérence de la peinture. Après séchage de la première couche, il est possible, si les conditions hygrométriques le permettent, d’appliquer la deuxième couche.
Les opérations sur chantier
     La couche de finition est quant à elle appliquée in situ lorsque toutes les opérations de montage et d’assemblage susceptibles de provoquer des détériorations, sont finies et que l’ouvrage est terminé. Sur chantier, le relevé des conditions hygrométriques et de température avant chaque application de peinture est nécessaire afin de déterminer le point de rosée. L’application de la peinture ne peut se faire que si la température du subjectile est supérieure à la température du point de rosée afin de ne pas favoriser l’apparition de condensation sur le support en acier.
Les modes d’application de la peinture
     Les peintures peuvent être appliquées à la brosse ou par pulvérisation avec un pistolet. Pour certaines peintures trop fluides, la brosse ne convient pas. La pulvérisation peut être effectuée par divers procédés :
  • Procédé pneumatique (pistolet à air) : la pulvérisation est obtenue par un jet d’air comprimé, suivant le même principe que les vaporisateurs ;
  • Procédé « airless » (pistolet sans air) : la peinture est soumise à une pression élevée à l’aide d’une pompe ;
  • Procédé « airmix » : ce système utilise complémentairement les deux principes précédents.
Peinture sur acier grenaillé
Le constructeur peut commander au sidérurgiste des produits grenaillés pour réaliser des pièces de l’ouvrage. Le décapage à effectuer par le constructeur de l’ouvrage est alors allégé. En effet, la calamine créée lors du laminage a été éliminée lors du grenaillage effectué par le sidérurgiste. Il est également possible de la part du constructeur de commander des aciers grenaillés et pré- peints. Une couche de peinture assez mince est déposée sur les produits après grenaillage par une chaîne automatique de peinture. Cette couche de peinture permet de protéger pendant quelques mois, l’acier de la corrosion. Cependant, le constructeur utilisant ces produits grenaillés et pré-peints automatiquement doit enlever cette protection par un décapage général et effectuer une mise en peinture sur acier nu.
     Lors du traitement de grenaillage et de pré-peinture, les produits traversent successivement un four de préchauffage, un poste de grenaillage et une cabine de peinture. Dans le four de préchauffage, l’élévation de température à pour but d’assécher les aciers, de décalaminer les surfaces par l’intermédiaire de chocs thermiques et enfin, d’augmenter la température de surface des produits pour un séchage rapide des peintures. Les produits sidérurgiques sont soumis aux actions des turbines projetant les grenailles. Ces dernières et les oxydes pulvérulents sont aspirées de façon à dépoussiérer les surfaces. En outre, les grenailles sont recyclées. Après grenaillage, les produits sont recouverts au moyen de pistolets automatiques par une couche de peinture antirouille appelée aussi peinture primaire d’atelier. La peinture est déposée sur une surface dont la température est de l’ordre de 40 °C. L’épaisseur du film déposé est de l’ordre de 15 µm. La peinture primaire d’atelier est en général une peinture riche en zinc à liant époxydique. Cette peinture riche en zinc peut parfois être remplacée par une peinture riche en zinc à liant silicate ou d’oxyde de fer.
     L’intérêt d’industrialiser ce procédé de mise en peinture sur acier grenaillé et pré-peint par traitement automatique est provenu du décret interdisant l’utilisation d’abrasifs contenant plus de 5 % de silice libre dans les opérations de décapage. En effet, ce décret a réduit considérablement les possibilités de décapage des pièces sur chantier ([10] D. André et M. Persy).
Autres méthodes
La métallisation
La métallisation consiste en la projection à l’aide d’un pistolet, d’un métal en fusion sur la surface à protéger. Le métal projeté est du zinc, de l’aluminium – zinc ou de l’aluminium afin d’assurer la protection cathodique de l’acier en se dissolvant préférentiellement par le fait que ces métaux d’apport sont plus électronégatifs que l’acier.
     Une attention particulière doit être apportée à la préparation des pièces : absence d’oxydes, de salissures en surface, une rugosité suffisante de façon à permettre une adhérence suffisante à température ambiante du métal projeté. La projection du métal en fusion sur le support en acier, donne un revêtement poreux qui nécessite une protection complémentaire par un système de peintures pour éviter une consommation trop rapide du métal d’apport.
     Le fascicule 56 du Cahier des Clauses Techniques Générales préconise des épaisseurs minimales de métallisation suivant le métal d’apport :
  • 120 µm pour le zinc et l’alliage de zinc – aluminium 85 – 15 ;
  • 200 µm pour l’aluminium.
La mise en œuvre d’une métallisation avec peinture nécessite les mêmes conditions de réalisation que la mise en peinture. Après sablage avec un degré de soin SA 3 et une classe de rugosité « moyen G », la métallisation doit avoir lieu dans un délai compris entre 2 et 6 heures suivant l’hygrométrie du milieu environnant. La première couche de peinture appelée « bouche -  pore » évite les actions agressives de l’humidité et des agents corrosifs sur le revêtement métallique.
Les tôles obtenues par oxycoupage subissent une trempe superficielle autour de la zone de découpe. L’acier est alors durci. Ainsi, les techniques de décapage ne donnent pas des résultats suffisants en ce qui concerne la rugosité. Une solution consiste à meuler ces surfaces pour éliminer ces zones affectées thermiquement. Une autre solution consiste alors à recouvrir ces zones par un système de peintures sans métallisation qui permettra d’obtenir une meilleure adhérence.
La galvanisation à chaud
     La galvanisation à chaud est un procédé qui consiste en l’immersion des pièces d’acier dans un bain de zinc en fusion à 450 °C. A cette température, il se forme des couches d’alliages entre le fer et le zinc puis en dernier, une couche de zinc pur en surface qui offrent une très bonne protection au cours du temps.
     Pour les éléments de tablier des ouvrages, le fascicule 56 du Cahier des Clauses Techniques Générales préconise un dépôt minimum de zinc de 700 g/m2 par face.
     La mise en peinture d’une galvanisation va augmenter la durabilité du revêtement. Cependant, cette mise en peinture de ce revêtement ne peut se faire qu’en respectant quelques conditions :
  • Après mise en peinture des pièces galvanisées, ces dernières ne doivent ni être découpées, ni être usinées ;
  • Les pièces doivent être dégraissées avant la mise en peinture ;
  • Un dérochage chimique des surfaces à traiter est en principe à réaliser selon les essais de certification, les fiches de certification et celles des fabricants ;
  • Un dérochage mécanique qui consiste à projeter un abrasif, doit être également réalisé de façon à augmenter l’accrochage du système de peintures sur l’acier galvanisé ;
  • Enfin, pour les zones où la galvanisation ne peut jouer pleinement son rôle, il est nécessaire après élimination de l’oxydation, d’appliquer un primaire de réparation recouvert par la suite de deux couches de finition définissant ainsi un système complet de peinture.
Le zingage électrolytique
     Le zingage électrolytique consiste à faire passer un courant dans une solution d’un sel de zinc en plaçant la pièce à l’anode. Des cations de la solution quittent la cathode et vont se déposer sur la pièce à zinguer. Le zinc consommé à la cathode lors du dépôt (par réduction des ions Zn2+) est régénéré à l’anode par dissolution (oxydation du zinc en ions Zn2+). Le zinc peut se déposer sur l’acier car la surtension du dihydrogène sur l’acier est importante. En début d’électrolyse, le zinc se dépose simultanément avec un dégagement de dihydrogène, ce dernier cessant dès que le zinc recouvre totalement l’acier, la surtension du dihydrogène sur le zinc étant encore plus élevée que sur l’acier. L’épaisseur de zinc déposé est en général de quelques dizaines de micromètres. Contrairement à la galvanisation à chaud, il ne se forme pas d’alliages à l’interface acier – zinc.