Par Pedro Huergo, ULB et Pastora Franceschi,
Autorité du canal de Panama.
Le creusement du canal, entrepris en 1879 par la
Compagnie universelle du Canal interocéanique et plus tard, en
1894, par la Compagnie nouvelle du Canal de Panama, se sont
heurtés à des problèmes de stabilité
insurmontables dès que l'on entama l'excavation du bief de
partage situé dans le col de la Culebra. Les terrains y sont
constitués d'argiles et de schistes-argileux fort instables
lorsque humides. Cependant, une vision optimiste de leur tenue
mécanique conduisit à l'adoption de sections
transversales à talus fort raides. Ce choix avait l'avantage
de réduire, théoriquement, le volume des déblais
à exécuter. Les accidents récurrents, les
difficultés du travail en climat tropical ainsi qu'un
sentiment de lassitude générale quant à la
maîtrise effective des glissements conduirent à
l'arrêt des travaux et à la fin de la concession en 1904.
L'examen des archives montre, qu'à l'époque, les
glissements ont été traités comme des problèmes
relevant principalement des techniques de terrassement et non de
l'analyse des équilibres de masse et des qualités
intrinsèques des matériaux. Cependant, une méthode
de calcul de la stabilité existait déjà et avait
été proposée des 1846 par Alexandre Collin.
L'application de cette méthode montre que, compte tenu, des
paramètres généraux de cisaillement des argiles
déduits d'après ses propres observations sur le canal de
Bourgogne, les instabilités des versants de la Culebra
auraient pu être prévues et, peut-être,
évitées, par l'adoption des géométries plus
appropriées aux conditions géotechniques des
terrains.
La zone du
canal dans l'isthme de Panama constitue, du fait de la
complexité et de l'instabilité de ses structures
géologiques, un cas d'étude permanent car les
mécanismes de déformation et glissement qui y sont
intervenus au début du creusement entrepris par la CuCi,
Compagnie universelle du Canal interocéanique (1879-1889),
sont aujourd'hui encore actifs comme on le constate lors des
travaux d'entretien et d'élargissement entrepris par la
nouvelle ACP, Autorité du Canal de Panamá.
Cette communication examine, dans les limites des
connaissances de l'époque, les problèmes de
stabilité des talus excavés dans la zone critique de la
Culebra traversée par le canal suivant le tracé
établi en 1881 par Ferdinand de Lesseps sur base des
recommandations des expéditions de Wyse et Reclus en 1876 et
1877 (Dumas, 1905). Sont également analysées les
modifications des profils transversaux introduites par la
Commission d'études, créée en 1889, et, à
partir de 1894, par la CnCP Compagnie nouvelle du Canal de Panama
ainsi que leurs conséquences sur l'économie
générale de l'ouvrage